Comment résister à l'aspirateur métopolitain

Publié le 11/09/2018

Sous l'effet de la métropolisation, les villes de taille moyenne sont-elles condamnées à rester dans l'ombre des grandes villes régionales ? Une proximité dont elles tirent un avantage, mais qui ne suffit pas à exister, attirer, avancer. Vichy, Chambéry, Valence et Bourg-en-Bresse développent ainsi, par leur propre moyen, des actions pour doper leur attractivité économique et démographique.

Sous l'effet de la métropolisation, les villes de taille moyenne sont-elles condamnées à rester dans l'ombre des grandes villes régionales ? Une proximité dont elles tirent un avantage, mais qui ne suffit pas à exister, attirer, avancer. Vichy, Chambéry, Valence et Bourg-en-Bresse développent ainsi, par leur propre moyen, des actions pour doper leur attractivité économique et démographique. Des démarches proactives vitales auxquelles demeurent attentives les métropoles qui se doivent tout de même de maintenir un équilibre avec leurs périphéries, sous peine de créer des territoires paupérisés.

"Dans la région comme ailleurs, on assiste depuis la fin des années 1990 à un mouvement de différenciation croissante des territoires, avec une forte concentration des emplois dans les métropoles et plus grandes aires urbaines, et un décrochage des villes moyennes, amplifié par la crise", relevait une étude (*) de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiée il y a tout juste un an. Ainsi, de 1999 à 2013, les grandes villes de Rhône-Alpes ont connu une progression annuelle de l'emploi de 1,2 % contre 0,7 % pour les villes moyennes.

Depuis la crise de 2008, cette croissance est nulle pour ces dernières. Les grandes métropoles que sont Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand – et même Genève – tendraient à devenir des aspirateurs à richesses de leurs territoires périphériques. Et les villes moyennes ne seraient plus en mesure de résister à cette évolution, alors que leur poids économique était "resté relativement stable dans le dernier quart du XXe siècle", précisait l'Insee.

En Auvergne-Rhône-Alpes, elles ont la chance d'être quasiment toutes situées suffisamment proches de leur grande métropole pour en tirer quelque avantage.

"Les villes moyennes situées dans un cercle isochronique d'une heure autour d'une métropole bénéficient de l'effet métropolitain, à savoir une croissance démographique, une arrivée de population dotée de revenus relativement élevés qui augmentent les potentialités du territoire", explique David Lestoux, directeur de Lestoux et Associés, un cabinet de conseil en prospective et en stratégie pour les entreprises et les territoires, basé en Bretagne et à Paris.

"Mais cette proximité de la métropole engendre aussi une difficulté à développer l'économie productive." C'est là que la métropole peut assécher cette dernière en amenant à elle les entreprises et les talents. Au-delà d'une heure de trajet entre la ville moyenne et la grande métropole, les difficultés deviennent plus prégnantes.

"Les territoires peinent davantage à renouveler leur population, et donc, leur tissu économique", précise l'expert. Pour celles de la région, proches de Clermont-Ferrand, Saint-Étienne, Grenoble et Lyon, les connexions avec leur grande métropole sont donc vitales pour garder et renforcer la facilité de déplacement, et donc leur irrigation. Ainsi "l'effet de métropolisation joue à plein", souligne David Lestoux.

Décisifs centres-villes

La question centrale est de savoir comment garder une attractivité forte face à une métropole qui tend à concentrer les services, relève l'expert. De ce point de vue, le centre-ville apporte une vraie différenciation de l'identité de chaque commune.

"Là se joue l'attachement fort à une ville. Cela passe par un vrai travail de restructuration du centre, martèle-t-il. Il n'y a pas de ville moyenne attractive en termes d'emploi et de démographie si le centre n'est pas lui-même attractif."

Pour les centres-villes, le rapport Marcon a mis l'accent sur les enjeux majeurs que sont la rénovation de l'habitat, pour contrer la paupérisation, et le retour des services non marchands ; est pointé notamment le départ des professions médicales vers les périphéries, lequel fragilise l'offre commerciale en centre-ville. Une autre question majeure est de savoir comment attirer ou faire revenir de jeunes talents partis poursuivre leurs études et débuter leur carrière professionnelle ailleurs.

Vichy parie sur l'identité

La sous-préfecture de l'Allier s'est recentrée sur son identité, fondée sur le thermalisme et le sport. "Nous avons la chance d'être un territoire connu et reconnu à l'international", vante Frédéric Aguilera, le maire de Vichy, en référence à la marque promue aux quatre coins de la planète par L'Oréal. Son attractivité repose sur le renforcement de ses fondamentaux.

Et au moment où le sport pèse désormais autant de nuitées que le thermalisme, "nous travaillons à la convergence entre les deux, détaille-t-il. Cela nous permet de mieux nous vendre sur les secteurs économiques industriels et d'attirer les cadres d'entreprises". Le deuxième bassin industriel de l'Auvergne peut ainsi compter sur la filière de la maroquinerie, avec la présence de Vuitton et d'Hermès, pour équilibrer son activité économique.

Vichy a tablé sur la mise en commun avec ses voisins en s'engageant dans la création du pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne, avec 11 autres intercommunalités. La naissance de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes a rendu "plus facile la coordination de nos intercommunalités", souligne Frédéric Aguilera, également président du pôle métropolitain. Avant nous n'en voyions pas l'utilité, aujourd'hui, nous n'avons pas le choix, reconnaît-il. Si nous ne discutions pas entre nous, nous étions morts. Nous devions nous fédérer pour être entendus".

"La stratégie de Vichy est la bonne, salue Jean-Charles Édouard, professeur au Centre d'études et de recherches appliquées au Massif central, à la moyenne montagne et aux espaces fragiles (CERAMAC) de l'université de Clermont Auvergne. Cette ville valorise son patrimoine, tout en jouant la carte de l'intégration économique dans la métropole clermontoise."

La grande région a aussi eu un effet dans l'esprit de ses habitants. Depuis trois ans, la clientèle lyonnaise est devenue plus importante que la clientèle parisienne, pour la première fois, souligne Frédéric Aguilera, qui explique ce mouvement par une curiosité pour découvrir la nouvelle région. "Les villes moyennes doivent partir de leurs propres forces, en ayant conscience que la proximité d'une dynamique métropolitaine est un atout", ajoute Jean-Charles Édouard.

Source : https://acteursdeleconomie.latribune.fr