Loi Sapin 2 adoptée: sept mesures phares pour l'entreprise

Publié le 14/11/2016

La loi Sapin 2 a été adoptée le 8 novembre. Si la protection du lanceur d'alerte est confirmée, la mesure sur les micro-entrepreneurs n'a pas survécu aux discussions parlementaires. Ce qu'il faut retenir.

La loi Sapin 2 a été adoptée le 8 novembre. Si la protection du lanceur d'alerte est confirmée, la mesure sur les micro-entrepreneurs n'a pas survécu aux discussions parlementaires. Ce qu'il faut retenir.

La loi Sapin 2 a donc été adoptée définitivement mardi 8 novembre par le Parlement. En lecture définitive, les députés ont approuvé par 308 voix contre 171 ce texte destiné à lutter contre la corruption et moderniser la vie économique.  

Après quelques polémiques – notamment avec les artisans qui pestaient contre la remise en cause des qualifications – et quelques modifications au Sénat, le texte achève son marathon législatif.

C'est la dernière grande loi économique du quinquennat et la dernière salve de réformes et mesures pour les entreprises. Le point sur ce qu'il faut retenir.

1. Convention judiciaire d'intérêt public

Outre la création d'une agence anti-corruption, la loi Sapin 2 prévoit aussi la création d'une "convention judiciaire d'intérêt public". Elle permettra à une entreprise coupable de corruption ou de blanchiment de fraude fiscale de signer un accord financier avec la justice française. Une fois la convention signée et la transaction réglée, les poursuites pénales seront abandonnées. Objectif affiché: arriver plus vite à la conclusion de ces affaires.  

2. Création d'un statut du lanceur d'alerte

Le texte met en place un statut pour le lanceur d'alerte, une figure apparue ces dernières années à la faveur d'affaires mondialement connues comme celles d'Edward Snowden ou de Stéphanie Gibaud. Pour venir en aide aux salariés qui ont, un jour pris l'initiative de révéler publiquement les pratiques douteuses de leur entreprise, le le texte a crée un cadre précis.  

La loi Sapin 2 propose une définition précise du lanceur d'alerte: une "personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance."

Les dernières moutures apportées le 3 novembre dernier par les sénateurs, qui menaçaient d'affaiblir totalement ce futur statut – en ôtant les terme de "menace" – n'ont pas été suivies par les députés. Reste quand même que ce statut, qui comprend aussi quelques mesures de protection contre d'éventuelles "représailles" ne convainc pas tous les spécialistes, qui craignent qu'il ne s'assimile à un parcours du combattant pour les lanceurs d'alerte. 

3. Rémunération des dirigeants plus encadrée

Les dirigeants d'entreprise feront désormais l'objet d'un plus grand encadrement concernant leurs émoluments. Un amendement introduit par les députés et confirmé par les sénateurs précise que les "éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués" devront faire l'objet d'une "résolution soumise au moins chaque année à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires." 

4. Simplification de la cession de fonds de commerce

Les députés ont suivi l'avis des sénateurs qui ont intégré, le 3 novembre dernier, des mesures destinées à clarifier le droit des sociétés, comme le souhaitait déjà une proposition de loi adoptée en commission des lois en juin dernier.  

Ces mesures précisent que le vendeur et l'acquéreur viseront "un document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente" et non plus des trois exercices précédents comme précédemment. En revanche, le vendeur devra mettre à disposition de l'acquéreur pendant trois ans les livres de comptabilité des trois exercices précédant la vente. 

5. Artisans et qualifications

Emmanuel Macron d'abord, Michel Sapin ensuite, entendaient alléger voire supprimer les règles encadrant les qualifications autorisant les artisans à exercer leur métier. Seules les activités présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes auraient obligatoirement nécessité une qualification professionnelle. Le camouflet infligé par les élus en première lecture à ce projet est confirmé. La loi Sapin 2 ne change finalement pas grand chose à la situation actuelle. Les députés ont défendu la nécessité de "conserver un niveau de qualification élevé pour l'accès aux professions artisanales". Quelques dérogations au régime actuel sont fixées : certaines activités, fixées par décret en concertation avec les organisations professionnelles, pourraient obtenir des dérogations face aux qualifications en qualité "d'activités multiservices" 

Une liste d'activité, rédigée par décret et en concertation sera également fixée pour qu'une personne déjà qualifiée puisse réaliser des tâches "relevant de métiers connexes faisant partie de la même activité". Enfin, dans le secteur artisanal, des passerelles facilitant la VAE (validation des acquis de l'expérience) seront possibles.  

6. Renforcement des sanctions contre les délais de paiement

Cette mesure est un héritage Macron arrivé dans la loi Sapin 2. La lutte contre les délais de paiement qui coûtent chaque année 16 milliards d'euros aux PME est un problème récurrent que le gouvernement tente de combattre. Les mesures déjà prises sont désormais renforcées avec le relèvement du plafond de l'amende infligée aux mauvais payeurs à 2 millions d'euros contre 375 000 euros auparavant. Ces amendes se cumulent et ce sans plafond. 

Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour plusieurs manquements, ces sanction pourront s'ajouter entre elles, sans limitation de cumul des montants. Les sanctions infligées par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) aux entreprises seront, dans la logique du "Name and shame", toujours publiées. Enfin, le gouvernement remettra un rapport sur "l'adéquation à ses missions des moyens alloués à la DGCCRF" un an après la promulgation de la loi. 

7. Financer l'économie sociale et solidaire avec l'épargne des particuliers

Les fonds collectés sur les livrets de développement durable (LDD) – qui seront rebaptisés livrets de développement durable et solidaire – pourront être affectés sous forme de don à une association, une fondation ou une société commerciale ayant un "impact social".  

A noter également que la loi prévoit d'adapter la législation afin de permettre à certains fonds d'investissement d'octroyer des prêts en direct aux entreprises. Ces futurs véhicules d'investissement permettraient aux PME d'obtenir de l'argent et donc d'élargir leurs sources de financement. 

Ce qui n'a pas été retenu par les députés

L'Assemblée a globalement suivi le texte réaménagé par le Sénat en deuxième lecture mais n'a pas validé certains points comme celui censé sécuriser les partenariats entre une PME et une autre entreprise. Les sénateurs avaient ainsi prévu de rendre obligatoire le cautionnement bancaire pour garantir le paiement des sommes dues. Le gouvernement a laissé aux députés au rapporteur le soin de trancher ce point – usant de son avis de sagesse – et ces derniers n'ont pas suivi le Sénat estimant que l'article 1799-1 du Code civil le prévoit déjà.  

Le texte prévoyait que les auto-entrepreneurs (ou micro-entrepreneurs selon la nouvelle terminologie) qui dépassaient le plafond de chiffre d'affaires autorisé pourraient garder leur régime pendant deux ans. La mesure n'a pas survécu au passage à l'Assemblée…

Source : http://lentreprise.lexpress.fr