Les salariés flashés sanctionnés : "Ce n'est pas à nous de faire la police"

Publié le 03/02/2017

La loi est loin de faire l’unanimité : les sociétés sont désormais tenues de communiquer les noms des salariés coupables d’infractions routières.

La loi est loin de faire l’unanimité : les sociétés sont désormais tenues de communiquer les noms des salariés coupables d’infractions routières. À Aurillac (Cantal), si certaines entreprises ont anticipé le changement, d’autres jugent la mesure « ridicule ».

« Ca nous met dans une position de délateur, c’est ridicule… Cette loi crée une casse supplémentaire entre le chef d’entreprise et ses salariés ! » A la tête de LD Contrôles, laboratoire d’analyse des bétons, granulats et sols installé aux Quatre-Chemins, Fabrice Lapié n’en démord pas.

Jusqu’ici, lorsque l’un de ses employés était coupable d’une infraction routière avec un véhicule de fonction, l’entrepreneur cantalien, comme de nombreux employeurs, lui demandait de payer l’amende, sans toutefois le dénoncer. Ainsi, le salarié ne perdait pas de point sur son permis de conduire.

Désormais, une nouvelle loi contraint le chef d’entreprise à communiquer le nom des salariés concernés, amenés donc à voir leur capital points fondre dès la moindre infraction…

« Et quand il n’aura plus de points, ce sera à nous de le reclasser dans la société. Ce sont les gens qui travaillent qui vont être sanctionnés avec ce dispositif », souffle Fabrice Lapié, pour qui l’argument de sécurité routière ne tient pas : « J’ai toujours dit au salarié que si l’amende faisait suite à une infraction grave, je le dénoncerais, car on n’est pas là pour cautionner l’insécurité. Mais ce n’est pas le cas ! On reçoit une vingtaine d’amendes par an, pour une cinquantaine de véhicules qui tournent dans toute la France. À chaque fois, ce sont des excès de vitesse de 3 ou 4 km/h… Les dénoncer pour ça, c’est ridicule. »

Reste que s’il ne communique pas les noms des auteurs d’infractions, Fabrice Lapié devra payer une amende de 750 € : « Je ne peux pas encaisser ces coûts, ça représenterait 15.000 € sur vingt infractions… Donc je n’ai pas le choix. »

« On est très exposé ?! »

Même sentiment aux ambulances Carrier, à Aurillac. « Un conducteur, chez nous, fait plus de 100.000 km par an, on est quand même très exposé !, souligne le gérant Pierre Puech. Or ce ne sont jamais de grosses infractions, plus des fautes d’inattention… Personne n’est à l’abri. »

L’ambulancier craint lui aussi les effets sur les relations dans l’entreprise : « Ca nous met quand même dans une mauvaise position vis-à-vis des salariés. Ce n’est pas à nous de faire la police ! »

Si la nouvelle loi est loin d’être une affaire qui roule pour les entrepreneurs, certains d’entre eux ont toutefois pris les devants. Exemple au Centre ambulancier agréé d’Aurillac, où l’« on dénonçait déjà les salariés, qui le savent dès leur embauche, car ça permet de les responsabiliser, de leur montrer qu’ils sont tenus de respecter le Code de la route », note la gérante Dominique Lallis.

« Dans l’esprit, je pense qu’il faudrait avancer sur un permis à point professionnel, jusqu’à un certain seuil d’infractions. » (Cédric Dayral – société de transport routier Lhéritier)

Le transporteur routier Lhéritier a lui aussi anticipé l’application de la loi : depuis juin 2016, l’entreprise communique les noms des chauffeurs auteurs d’infractions.

« La priorité, c’était de leur faire prendre conscience qu’il faut être prudent et respecter le Code de la route, explique Cédric Dayral, directeur d’exploitation. Chez certains conducteurs, les amendes revenaient régulièrement, et puis on a eu quelques accidents dus à une vitesse inappropriée aux conditions de circulation. »

Depuis que l’entreprise a pris cette décision, elle dit recevoir « un petit peu moins d’amende », en moyenne « une à deux par semaine pour notre centaine de véhicules, qui font environ dix millions de kilomètres chaque année ».

Mais Cédric Dayral reste sceptique : « Le gros inconvénient de cette loi, c’est qu’elle concerne toutes les infractions, y compris des dépassements de 1 ou 2 km/h. Or douze points, ce n’est pas beaucoup… Un conducteur fait quand même 100.000 km par an, il est beaucoup plus exposé. Dans l’esprit, je pense qu’il faudrait avancer sur un permis à point professionnel, jusqu’à un certain seuil d’infractions. Ca me paraît être le plus judicieux. »

Source : www.lamontagne.fr