Loi sur le secret des affaires : « Il y a au cœur des entreprises un patrimoine immatériel qui suscite les convoitises »

Publié le 20/06/2018

Le Sénat adopte ce jeudi la proposition de loi sur le « secret des affaires. Me Olivier de Maison Rouge défend ce texte, plus parce qu’il le juge équilibré que parce qu’il y a contribué.

Le Sénat adopte ce jeudi la proposition de loi sur le « secret des affaires. Me Olivier de Maison Rouge défend ce texte, plus parce qu’il le juge équilibré que parce qu’il y a contribué.

olivier de maison rouge

Avocat. Olivier de Maison Rouge a été l’un des maîtres d’œuvre de la loi sur le secret des affaires

La proposition de loi sur le « secret des affaires » adoptée jeudi dernier à l’Assemblée nationale le sera ce jeudi par le Sénat. Rapporteur auprès du ministère de l’Economie et des Finances du groupe de travail chargé de la transposition de la directive du 8 juin 2016 sur le secret des affaires, Me Olivier de Maison Rouge se félicite de ce que les entreprises françaises puissent lutter à armes égales avec la concurrence étrangère.

Que recouvre le secret des affaires ?

Il y a au cœur des entreprises un patrimoine immatériel qui, parce qu’il leur procure un avantage commercial ou industriel substantiel, suscite les convoitises de la concurrence. Ces convoitises sont aujourd’hui accentuées par un contexte de compétition exacerbée et encouragées par la dématérialisation des données.

Comment la loi le caractérise-t-elle ?

Ce patrimoine sensible doit répondre à trois critères cumulatifs. Premièrement, ces connaissances liées à la recherche et au développement comme à des négociations commerciales, ne doivent pas être connues du grand public ou du secteur industriel concerné. Deuxièmement, l’avantage concurrentiel substantiel doit effectivement reposer sur le secret. Troisièmement, ce secret doit être bien gardé, c’est-à-dire faire l’objet d’une protection raisonnable de la part de l’entreprise. Bref, il ne s’agit nullement de dissimuler des activités frauduleuses.

Dès lors, pourquoi ce texte est-il si controversé ?
Justifier une loi sur le secret dans une société qui exige toujours plus de transparence est une gageure. Pourtant, ce texte est équilibré. Comme toute loi, il définit un principe et aménage des exceptions. Le secret qu’elle instaure n’est pas absolu ni inviolable. Le texte fait explicitement référence aux lanceurs d’alerte dont le statut a été assis par la loi Sapin II. La loi n’est pas opposable au droit de la presse, notamment au secret des sources consacré par le législateur le 4 août 2010. Les instances salariales sont exclues de son champ d’application, mais les représentants syndicaux et du personnel seront tenus eux aussi au secret. Il y va aussi de leur intérêt car le secret des affaires assure la pérennité de l’entreprise et donc des emplois.

Quels faits sont visés ?

Sont réprimées l’obtention illicite, la divulgation et l’utilisation d’informations cruciales et secrètes. Le juge reste l’arbitre de procédure. Il apprécie la réalité du secret qu’il peut à son tour garantir en interdisant la publicité des pièces au dossier, en soumettant les parties à la confidentialité et en n’ouvrant pas tout ou partie des audiences au public à la demande de l’une des parties.


Un vide juridique enfin comblé. Le secret des affaires n’a pas de secret pour Olivier de Maison Rouge. L’avocat a contribué à la décision du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand condamnant, le 21 juin 2010, pour abus de confiance, un ex-salarié de Michelin à 5.000 € d’amende et deux ans de prison avec sursis. La livraison d’informations à une entreprise étrangère et la violation des secrets de fabrication n’avaient pas été retenues. Le 26 septembre 2011, il a plaidé devant cette même juridiction contre une dénommée Rose condamnée, pour abus de confiance et vol de données confidentielles, à trois mois de prison avec sursis et 3.000 € de dommages et intérêts. « Il n’y avait alors en droit français ni texte ni doctrine, se souvient-il. Je me suis inspiré, à titre de référence, du texte instituant comme base juridique l’OMC (Organisation mondiale du commerce) née le 1er janvier 1995. Ces procès m’ont valu d’être auditionné à Bruxelles dans le cadre de l’élaboration de la directive du 8 juin 2016 sur le secret des affaires. »

Source : www.lamontagne.fr