Regardons ailleurs pour innover en France !

Publié le 23/02/2017

Les entreprises innovantes françaises doivent sortir de leur bulle et intégrer plus rapidement ce qui est fait ailleurs, au-delà de leur propre R&D.
 

Les entreprises innovantes françaises doivent sortir de leur bulle et intégrer plus rapidement ce qui est fait ailleurs, au-delà de leur propre R&D.

Les chiffres sont têtus et, même si la France reste encore considérée comme un pays développeur de talents, dont les ingénieurs s'exportent à Londres et dans la Silicon Valley, elle dépose encore deux fois moins de brevets et investit presque moitié moins en R&D que l'Allemagne.

L'innovation ne repose-t-elle que sur des questions de niveau d'investissement et de financement comme beaucoup voudraient le faire croire ? Certes, dans un monde fait d'accélération et de ruptures technologiques, l'innovation nécessite de mobiliser toujours plus de capitaux et de ressources. Pourtant, il serait faux de s'en contenter et, au risque de bousculer les éternels débats sur le sujet, il est urgent de reconnaître que l'innovation n'est pas qu'une question d'argent !
 
La France obsédée par les brevets

Les créatifs et les inventeurs le savent bien, l'innovation est avant tout une affaire de culture et d'état d'esprit, qui se diffuse, innerve et impose sa logique au processus de création. Nous l'oublions trop souvent, comme nous le rappellent les réussites de nos concurrents mondiaux portés par la culture de « l'open innovation » [une stratégie R&D qui peut prendre source à l'extérieur de l'entreprise, NDLR] , si adaptée à l'ère de l'économie du big data et du partage des données.

D'ailleurs, la culture de l'innovation dans les entreprises françaises s'apparente trop souvent à un culte du secret, qui impose de travailler entre soi, dans son couloir et son réseau, voire « dans sa bulle » avec pour objectif ultime le dépôt d'un brevet.

Cette obsession du brevet est perçue comme le graal qui protégera à vie l'innovation et lui donnera son potentiel de développement à l'échelle industrielle. Mais que de temps, d'argent et surtout d'opportunités perdues en route…et même souvent une fois le brevet déposé !

S'inspirer pour réinventer

A l'heure de l'économie du partage, de l'« open data » et du développement de la veille technologique, les entreprises françaises doivent rompre avec cette culture du secret et de l'exclusivité. Elles doivent intégrer plus rapidement ce qui est fait ailleurs, au-delà de leur propre R&D, de leur organisation mais aussi des frontières, pour échanger des idées, découvrir des procédés, tester des méthodes et créer de la valeur par de l'innovation ouverte et partagée. C'est cela la culture de l' « open innovation » : aller chercher ailleurs pour mieux réinventer !

Aucune des grandes innovations de rupture au cours des dernières années n'est issue d'une page blanche. L'innovation ne vient pas souvent d'un « blue ocean » ! Uber n'a pas inventé le taxi, Apple n'a pas inventé le smartphone, Airbnb n'a pas inventé la location d'appartement entre particuliers ni Tesla la voiture électrique…

Qui oserait dire que ces entreprises ne sont pas innovantes ? ! Elles ont révolutionné le monde par une innovation technologique, d'usage ou de design – souvent même les trois en même temps – qui est née de ce qui existait, en la transformant radicalement.

Se rapprocher du marché et des clients

Repensons d'urgence nos méthodes. L'innovation ne provient plus uniquement des connaissances issues de la recherche, elle vient également des usages et des utilisateurs eux-mêmes. Les procédés du monde du design ou encore les « méthodes agiles » doivent permettre de développer le plus possible des innovations sans brevets, c'est-à-dire qui pourront être intégrées et appliquées rapidement.

Au moment où la durée de vie d'un produit ou d'un service ne dépend plus que du temps de sa disruption, il est décisif de savoir accélérer, aller vite, en se rapprochant au plus près de son marché et des ses clients.

Passer à « l'open innovation » constitue un changement culturel finalement beaucoup plus naturel et plus simple dans un monde connecté et ouvert. Les idées nouvelles n'ont pas de frontières ni de limites. Elles sont à la portée de chacun. Soyons opportunistes, allons chercher ailleurs pour réinventer, créer et innover en France !

Hervé Amar est président de Ayming

Source : www.lesechos.fr